Le Monde Actuel est un paradoxe.
Le monde, en tant qu’espace physique, est actuel. Il est du temps qui passe.
La phrase est ambiguë. De quel monde parle-
Le monde, se faisant, n’est donc plus actuel. Son actualité a disparu dès l’instant où elle a été évoquée. Il faudrait alors figer le monde, ou plutôt un fragment de monde, une portion, le figer dans son actualité, pour en garder une trace, un instant, un moment.
Et de quel monde ? Et de quel instant ?
Le monde actuel est ce qui a lieu dans l’ici et le maintenant. Sans interface, sans vecteur. Ce qui se passe. Le monde actuel est composé d’espace et de temps, deux entité indissociables selon Albert Einstein qui, pour appuyer sa théorie de la relativité prenait comme modèle un pain entier que l’on découpe en tranches: le pain, c’est l’espace, la découpe, c’est le temps. La tranche est un fragment
d’actuel, une portion de temps. Et cet instant est lui-
Le monde actuel est un processus en cours, un espace qui en contient d’autres. Une mécanique organique qui ne s’arrête pas. Des matières qui s’animent, se gonflent, se dilatent, se contractent, et des éléments qui se mêlent et cohabitent pour produire de nouvelles formes. Les organismes se fraient un chemin dans la matière, ils la parasitent pour en modifier la structure, pour créer un nouveau contexte, une nouvelle situation, un nouveau processus qui en amène un autre, encore.
On observe ici ces mouvements, ces formes reconnaissables, ces fragments identifiables, dans les structures instables qui composent le monde actuel.
L’ambiguïté est récurrente dans les oeuvres exposées. Il s’agit d’un jeu avec les évidences, celle des formes convoquées. On retrouve ici des assemblages particuliers entre des références de l’histoire
de l’art et des matières organiques issues de fermentation.
L’exposition Monde Actuel fait une synthèse d’oeuvres récentes ou méconnues. Ici, les formes sont passagères et changeantes.
Dans l’espace de la galerie, un mannequin présente un blouson en cuir clouté avec le titre de l’exposition : Monde Actuel, anagramme parfaite de Claude Monet.
Nicolas Boulard, né en 1976 à Reims, a fait ses études à l’Ecole supérieure des arts décoratifs de Strasbourg d’où il sort diplômé en art et en communication graphique en 2002. Il rejoint ensuite le Collège Invisible, post-
Depuis près de 20 ans, cet artiste développe une pratique protéiforme et singulière. Doté d’une parfaite connaissance des réglementations du monde du vin, c’est en authentique spécialiste que l’artiste a transgressé les normes traditionnelles de production en plantant un vignoble dans une remorque (Clos Mobile 2009), en produisant un millésime fantôme du célèbre grand cru de la Romanée Conti (DRC 1946, 2007) ou en récoltant du raisin dans les supermarchés de Reims pour produire un Grand vin de Reims en 2006. Par ces gestes iconoclastes, l’intention est de produire de nouvelles formes.
Depuis 2010, il travaille sur un projet intitulé Specific Cheeses, une étude sur la similitude des formes du Minimal Art et des fromages. Cette recherche artistique s’est développée sous la forme de performances avec la confrérie Specific Cheeses, de conférences (Cheese Theory et Cheese Analyse) et d’éditions avec les fanzines Specific Cheeses qui compilent dans 12 numéros une anthologie de la représentation du fromage dans les arts du Moyen-
Nicolas Boulard réalise des sculptures et des installations en assemblant des références du Minimal art et de l’art conceptuel avec des matériaux organiques issus, pour la plupart, de productions alimentaires. Ses oeuvres perturbent l’esthétique aseptisé du minimalisme américain en s’inspirant des formes organiques du fromage, du vin ou du pain. Son travail se caractérise par l’appropriation de matières issues de fermentation pour produire une œuvre atypique et unique : la fermentation est le passage d’un état à un autre où l’action de micro-
En s’inspirant d’éléments prélevés dans son environnement quotidien et dans l’histoire de l’art, ses oeuvres prennent une apparence incertaine, comme prises dans un état intermédiaire. L’esthétique géométrique perturbée par des matières vivantes nous rappelle que l’art est une pratique de la transition. Par l’utilisation de matériaux naturels comme le feutre ou le bois, ses œuvres permettent d’isoler des concepts forts et nous font vivre une expérience particulière. Sa pratique artistique place le spectateur dans une situation ambiguë avec l’oeuvre : que ce soit face à l’extravagance ornementale d’ne tapisserie réalisée à partir de l’mage du penicillium se diffusant dans une tranche de roquefort (la série des tapisseries Penicillium) ou à la disposition des cavités dans des tranches de pain démesurément agrandies et soigneusement découpées dans des planches de bois de peuplier (Pain #1 et #2). Ces assemblages s’apparentent aux grotesques qui, à différentes périodes de l’histoire de l’art, ont intrigué en mettant en avant un goût de l’hybridation, de la métamorphose et du caricatural.
Exposition du 03 novembre au 21 décembre 2024. 22,48m², 29 rue de la Commune de Paris -
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