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ARCHÉA - Archéologie en Pays de France présente durant neuf mois sous le titre Ca en jette ! une exposition consacrée au déchet et à son histoire au fil du temps. Car l’archéologie ne s’intéresse pas qu’aux trésors. On fouille pour découvrir et étudier toutes les traces laissées par les populations du passé. Les déchets sont les vestiges les plus courants et fournissent nombre d’informations précieuses pour les archéologues : ruines, traces d’habitats, sépultures, ossements, restes végétaux, objets dans tous leurs états…Témoins omniprésents des sociétés humaines, ils sont porteurs de précieux renseignements sur leurs modes de vie, leurs savoir-faire et leurs environnements.

La notion de déchet, désignant ce qui n’est plus utile et dont on veut se débarrasser, est récente. La définition du terme de déchet a évolué selon les époques et les mentalités. À l’origine, il est synonyme de « chute » et désigne la part d’une chose qui est perdue lors de son utilisation. Puis, au 16e siècle, un glissement s’opère et le déchet prend le sens « d’objet ayant perdu sa valeur ». Ce n’est qu’au 20e siècle que la notion de déchet renvoie à ce qui n’est plus utile et dont on veut se débarrasser. Cette évolution est liée au développement de la « société de consommation » à partir de la fin des années 1950, caractérisée par l’essor de la production industrielle de masse, la généralisation de la publicité, et l’augmentation du pouvoir d’achat. Ce modèle s’accompagne également de la prolifération des matières plastiques et de la culture du « tout jetable ».

Les archéologues parviennent à obtenir des informations significatives à partir des restes qu’ils mettent au jour. Les ossements d’animaux familiers nous informent par exemple sur la composition des repas, la fabrication d’objets en os ou encore la façon dont on traitait les animaux domestiques. Les accessoires vestimentaires égarés ou jetés renseignent sur la mode selon les époques. Les fragments de poteries importées de proches ou lointains horizons renseignent sur les réseaux commerciaux. Enfin, les endroits où l’on retrouve les déchets (fossés, silos, puits ou encore latrines), nous éclairent sur les techniques pour se débarrasser des ordures produites au quotidien. L’évolution de la nature, de la quantité et du mode de gestion des déchets en dit beaucoup sur la manière dont les populations vivent, produisent, consomment, se préoccupent de leur santé.

L’histoire des déchets questionne aussi nos propres usages et les mettent en regard des pratiques anciennes. Saviez-vous que le gaspillage apparaît au Néolithique ? Que le premier récipient à usage unique est fabriqué dès l’Antiquité ? Que les habitants des villes médiévales jetaient les détritus dans les rues ? Que le recyclage et le réemploi ont toujours existé ?

Grâce aux découvertes archéologiques faites sur le territoire de l’agglomération Roissy Pays de France et ses environs, parcourons cette histoire des déchets, de leur production, de leur gestion et de ce que cela révèle des sociétés humaines. Les archéologues, en mettant à contribution de nombreuses disciplines scientifiques (archéozoologie, carpologie, tracéologie, etc.) connexes à leur propre discipline, parviennent à obtenir des informations significatives des restes qu’ils trouvent pour obtenir des informations sur ces objets et leur histoire (datation, provenance, usage…). L’évolution de la nature, de la quantité et du mode de gestion des déchets en dit beaucoup sur leur gestion par les populations.

S’il est aisé de comprendre le contexte de production des déchets et les gestes associés des populations actuelles, restituer ceux des populations anciennes est moins évident. En effet, une des questions cruciales à laquelle l’archéologue se trouve confronté est celle de la relation entre restes (quand ils nous sont parvenus) et zones de rejet, tant ces dernières ont évolué à travers le temps jusqu’à être regroupées et séparées des zones de production et d’habitation. Cette exposition sera utile aux spécialistes comme aux visiteurs les plus curieux pour mieux appréhender l’histoire des déchets au cours du temps, et lire et comprendre, à travers nos restes matériels, l’évolution de nos sociétés.

Les objets usagés, réparés, cassés, réutilisés (pour un même usage), réemployés (pour un autre usage), et plus largement tout ce qui a été jeté, sont une part importante de ce qu’on retrouve en fouille. Qu’elles proviennent de dépotoirs, de puits ou bien encore de latrines, ces découvertes offrent de nombreuses informations pour comprendre la vie quotidienne aux époques anciennes. Juridiquement, c’est l’intention d’abandon ou d’élimination d’un objet par son détenteur qui fait de lui un déchet. Tout ce que les humains jettent ou abandonnent devient, à terme, un déchet, sauf dans les rares cas d’ensembles clos (sépultures, trésors monétaires, sites archéologiques qui se sont figés dans le temps, comme Pompéi). L’archéologie est donc, pour une large part, la science des déchets mais elle ne peut être réduite à leur étude. En les mettant au jour, les archéologues leur redonnent une valeur scientifique et patrimoniale. Chaque dépotoir recèle de précieux renseignements sur les personnes à l’origine de ces rejets : quand et comment elles vivaient, quel était leur statut social, quel était leur métier, ce qu’elles consommaient, ce qu’elles produisaient… et, bien sûr, comment elles géraient leurs déchets.

Les données archéologiques nous montrent que l’histoire humaine peut être lue au prisme de la quantité et de la nature des déchets qu’elle produit. Au cours du temps, ils sont un marqueur de la croissance de la population : l’évolution des conditions et des modes de vie (sédentarisation, urbanisation, niveau de vie, etc.), les progrès techniques et l’accroissement de la productivité. Progressivement, les déchets liés aux besoins vitaux (se nourrir, se vêtir, se loger) ont été rejoints par des déchets engendrés par des besoins plus secondaires, comme montrer son statut social, se divertir ou même simplement se faire plaisir.

C’est au Néolithique (sur l’actuel territoire de la France, entre -5200 et -2100), avec le passage d’un mode de vie nomade à un mode de vie sédentaire, qu’un tournant essentiel se produit. Cette période voit naître des sociétés dans lesquelles la production et l’accumulation de biens prospèrent de manière continue jusqu’à aujourd’hui.

Avant la seconde moitié du 20e siècle, et la systématisation de l’utilisation des plastiques dans les objets du quotidien, les vestiges archéologiques témoignent d’un usage prédominant de la pierre et des métaux pour les outils et les armes et de la céramique pour le stockage, la préparation et le service des aliments. Malheureusement, les matériaux organiques (papier, bois, cuir, textile, etc.) sont rarement préservés et donc trouvés en fouille. Ils constituent la part non visible des anciens déchets. Exception faite de notre société actuelle qui dénote un changement récent à l’échelle de l’histoire humaine, chaque époque nous a laissé les mêmes types de déchets. Pour l’essentiel, ils résultent de trois types d’activités : la fabrication et la production, la consommation (de nourriture, de vêtements, d’objets du quotidien, etc.) et le nettoyage des espaces habités et communs.

Au Néolithique, l’apparition des premiers villages s’accompagne du développement de productions standardisées. Des artisans, de plus en plus spécialisés, commencent ainsi à fabriquer des objets en plus grande quantité et à les diffuser à plus grande échelle. Ce phénomène favorise la multiplication et l’accumulation des biens dits de « prestiges », dont l’utilité principale est de signifier son statut social, sa richesse et son pouvoir. Pendant l’Antiquité, une autre évolution favorise l’augmentation des déchets : l’invention de l’amphore. Premiers contenants à usage unique, dédiés au transport et à la conservation des liquides (vin, huile d’olive, garum - sauce de poisson fermenté), les amphores étaient produites en très grand nombre et jetées directement après usage. La colline artificielle du Monte Testaccio, à Rome, entièrement composée de débris d’amphores, donne une idée de la problématique ancienne de gestion des déchets issus d’un produit de masse jetable.
Au Moyen Âge, l’essor des villes et l’avènement de la bourgeoisie, grande consommatrice de biens, contribuent, à leur tour, à l’augmentation des déchets. Le 19e siècle et la Révolution industrielle, mais surtout l’usage prépondérant du plastique dans la fabrication des objets du quotidien après la Seconde Guerre mondiale, sont les dernières étapes qui ont mené à notre société du « tout jetable ». En dehors de quelques périodes de régression liées à des effondrements économiques ou démographiques, comme aux 5e et 11e siècles, on assiste ainsi à un accroissement quasi continu de la production des déchets. Ce phénomène est étroitement lié aux progrès techniques, aux évolutions sociétales et à l’augmentation démographique. Il atteint aujourd’hui son paroxysme, avec la massification des déchets difficilement dégradables ou recyclables.

Par leur multiplication et les désagréments qu’ils génèrent, les déchets ont rapidement posé des problèmes de gestion et de salubrité. Lorsque les objets ont été délaissés de manière volontaire, l’archéologie nous enseigne que les sociétés du passé leur attribuaient davantage de valeur qu’aujourd’hui. En témoignent les traces de réutilisation, de réparation ou de transformation sur un certain nombre d’entre eux. Les vestiges archéologiques témoignent, de tout temps, d’une démarche constante d’économie circulaire par la récupération et la réparation d’objets. Pour l’archéologue André Leroi-Gourhan, c’est grâce aux traces des tas d’ordures datés de la fin du Paléolithique que l’on peut comprendre comment Sapiens a inventé l’idée d’espace domestique, en évacuant les déchets à l’extérieur de son habitat qui était déjà organisé en zones dédiées à chaque activité domestique ou artisanale.

Aux périodes les plus anciennes (Néolithique, Protohistoire), certains matériaux difficiles à obtenir nécessitaient un usage rationalisé. Les débris de verre et de métaux, par exemple, étaient conservés pour être refondus et servir à la fabrication de nouveaux objets. Les déchets pouvaient également servir de ressource à part entière, comme l’urine qui était utilisée dans l’artisanat du textile pour assouplir ou pour servir de liant aux teintures, ou bien encore les gadoues (excréments et déchets alimentaires) qui étaient épandues dans les champs pour enrichir la terre. Ils revêtaient donc une valeur pécuniaire à l’origine du développement de métiers spécialisés dans la récupération, comme ceux de chiffonniers, de gadouilleurs ou de ferrailleurs. Ces pratiques de valorisation des déchets ont disparu au milieu du 20e siècle, au moment du développement de la société de consommation et de l’avènement des objets en plastique, jetables et à usage unique. Mais elles connaissent aujourd’hui une renaissance. La filière du tri et du recyclage en est un bon exemple. Elle représente une part de marché non négligeable en ce qui concerne certaines matières comme les métaux, le plastique, les papiers-cartons et le verre.

Depuis la Révolution industrielle, au milieu du 19e siècle, nous sommes pleinement entrés dans une période de rupture et d’accélération que certains géologues nomment l’Anthropocène (« ère de l’être humain »), marquée par l’action de l’Homme comme principale force de changement sur Terre. Cette période est caractérisée par un changement de nature de production (avec les énergies fossiles, charbon puis pétrole) et des volumes de production, jusque-là jamais atteints par aucune société humaine. Les déchets sont devenus exponentiels et de plus en plus complexes à gérer. Ils sont moins périssables, moins réutilisables et plus polluants à l’instar des déchets nucléaires à très longue durée de vie qui ne manqueront pas d’interpeller les archéologues de demain.

Le domaine de l’archéologie est aussi touché par la question des déchets. Sans attendre le futur, ces derniers trouvent déjà nos déchets contemporains qui polluent les sites archéologiques et leur environnement. Les micro-plastiques qui les composent pénètrent les couches sédimentaires des sols archéologiques. Par ailleurs, le monde de l’archéologie est également pourvoyeur de déchets et doit réfléchir sur ses propres pratiques pour limiter leur impact. Professionnels des musées, de l’archéologie, fournisseurs, élus, visiteurs-citoyens, ont tous un rôle à jouer et une responsabilité face à la production et la gestion de ces déchets.

Alors, n’attendons plus et soyons toutes et tous acteurs et n’oublions pas : « Le meilleur déchet est celui que l’on ne produit pas ! » (sauf pour les archéologues ?)

Ça en jette !
ARCHEA,  Louvres, 15 mars au 16 novembre 2025












 







 




 

 












Exposition du 15 mars au 16 novembre 2025. ARCHÉA - Archéologie en Pays de France, 56 rue de Paris - 95380 Louvres. Tél. : +33 (0)1 34 09 01 02. Ouverture du mercredi au vendredi de 13h30 à 18h, samedi, dimanche et jours fériés de 11h à 18h. Fermé le 1er mai.





































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